Porter du renard suisse, politiquement correct?

Les fourreurs lancent la mode pour valoriser les peaux des 40 000 betes tuées chaque année dans notre pays. Des créations de la société zurichoise Petra Hanic, mandatée par les fourreurs helvétiques. Un chasseur de l’Oberland bernois au marché de la fourrure de Thoune, une manifestation qui se tient chaque hiver.
Les fourreurs suisses semblent avoir résolu la quadrature du cercle. Inciter les femmes et les hommes porter de la fourrure tout en se donnant bonne conscience. Celle-là même qui permet au torero de dormir sur ses deux oreilles après en avoir prélevé une au taureau. Le raisonnement est simple. Près de 40 000 renards sont tués chaque année en Suisse, afin de préserver, selon les chasseurs, un équilibre écologique entre les espèces. Leur sens du devoir est encore stimulé par l’audace du goupil qui s’aventure aujourd’hui jusqu’au creur des villes et fait craindre aux habitants des fléaux tels que la rage, la gale, la teigne et l’échinococcose. Il est donc normal, voire civique, de tirer les canidés au museau pointu. Les animaux abattus sont généralement brulés. Et leur peau avec eux, car la prélever requiert une deux heures de travail, pour un profit dérisoire.

De francs jusqu’à l’an dernier, date laquelle le cours de la fourrure de renard local commencé monter. Sur les marchés de Sankt Anton (Fribourg), de Thoune, de Lucerne et d’Alstatten (Saint-Gall), la peau valait entre 15 et 18 francs au printemps 2003, jusqu’à 25 francs pour les toutes belles pièces. Le cours remonte Car les fourreurs helvétiques se sont lancés dans «la revalorisation d’une richesse naturelle quelque peu délaissée ces dernières années». Ils ont mis l’ouvrage une jeune styliste zurichoise, Petra Hanic, et lancé fin octobre, Zurich, une collection base de peaux teintes, déstructurées, tricotées. «Bruler toutes ces belles peaux, quel gachis», relève Ivan Benjamin, fourreur Genève et Lausanne, président de Swissfur, l’Association professionnelle suisse de la fourrure. «N’importe quel écologiste véritable sera d’accord pour dire que qa va l’encontre d’une utilisation rationnelle des ressources naturelles.» Les spécialistes suisses du poil sont aidés dans leur campagne de valorisation par la mode actuelle, qui coud et colle des morceaux de fourrure partout sur les sacs, les cols, les poignets et cultive le look ébouriffé. Les peaux n’ont pas besoin d’etre aussi belles qu’à l’époque où des manteaux longs comme des peignoirs de bain réclamaient une qualité irréprochable. L’avantage économique est certain, tant pour le fourreur que pour son client, si l’on sait que la peau brute de sauvagine le renard rouge du Canada s’achète 60 dollars dans les ventes aux enchères nord-américaines. «Le renard «label suisse» sera toujours moins cher, souligne Ivan Benjamin. Des réseaux informels se mettent en place. Prenez les Fribourgeois. Dans un meme village, les jeunes tirent les betes pendant les jours de congé, les retraités préparent les peaux et viennent nous les vendre. On les leur paie 20 25 francs pièce, qu’ils se partagent. Tout le monde trouve son compte.» compris l’amateur de fourrure, qui doit débourser 800 900 francs pour un col en renard du Canada, alors que la meme pièce en goupil local lui coute de 300 400 francs. Régulation contestée L’an dernier, 37 561 renards ont été chassés en Suisse. Le chiffre tourne autour de 40 000 de manière constante depuis le début des années 1990. Tout le monde est content? Pas si sur. «La question de la régulation d’une espèce par la chasse est très discutée par les experts», fait remarquer Mark Rissi, porte-parole de la Protection suisse des animaux. «£a ne marche que pour un court laps de temps car si l’on tue de nombreux adultes une année, il aura beaucoup plus de petits l’année d’après.» Pour le défenseur des animaux, si l’homme n’intervenait pas, la nature assurerait très bien l’équilibre entre les espèces. En outre, il met mal le sentiment de devoir accompli des fourreurs: «Une peau sur mille au maximum utilisée en Suisse provient de la chasse, le reste vient des fermes d’élevage. Les professionnels se donnent bonne conscience en travaillant quelques pièces politiquement correctes.» Mais il ne faut pas que le consommateur tombe dans le piège, sous-entend Mark Rissi, qui relève un point intéressant: «Pendant des années, la mode était la fausse fourrure. Aujourd’hui, le top, c’est la vraie fourrure teinte en couleur et travaillée comme si elle était fausse. £a brouille les cartes. Les personnes qui portent de la fourrure le font désormais sans aucune honte.»